Reportage au coeur des maraudes
Matin et soir, le Samu Social parcourt Marseille à la rencontre des personnes dans la rue. Les équipes sont sur le terrain tout au long de l’année. La maraude : une mission cruciale.
l est huit heures, Julien, agent de maraude termine de préparer le petit camion cinq places. Dans le coffre, il range minutieusement son outil de travail le plus précieux : la glacière. A l’intérieur, tout y est, café, gâteaux, sucre, thermos d’eau chaude. Tout est en place, Julien claque la double porte arrière. D’un appel radio, il prévient ses collègues de son départ et enclenche le moteur. Direction le centre ville, « une grande partie des SDF se trouve là-bas pour faire la manche. Normal, il y a plus de passage, donc plus d’argent ». Arrêt dans une petite rue, tout près du Vieux-Port.
Soir et matin, été comme hiver
Le véhicule garé, la mission commence. « Au printemps, les matins sont encore frais. Aussi, de huit heures à midi, je marche dans Marseille pour proposer aux personnes qui refusent de se rendre dans les accueils de jour des petits encas. C’est aussi l’occasion de partager un contact humain avec eux. Les maraudes du soir, elles ont avant tout pour mission de convaincre les SDF de se rendre à l’Unité d’Hébergement d’Urgence (UHU), ou vers d’autres centres. En hiver, nous sommes beaucoup plus présents en journée ».
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![]() Les agents du Samu communiques via les radios embarquées pour savoir où se rendre |
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![]() Dans le camion, il y a tout le nécessaire pour aider les sans-abri |
![]() Le Samu social effectue plusieurs maraudes par jours |
![]() Le Samu social propose à ceux qui dorment dans la rue de rejoindre les centres d'hébergement |
![]() Des vivres sont offerts aux sans-abri |
![]() A l'approche du camion du Samu, les sans-abri s'approchent |
![]() Le Samu social cherche à instaurer le dialogue |
![]() La discussion fait beaucoup de bien aux sans-abri. C'est aussi un premier pas vers la réinsertion |
Photos
Virginie Lecable
Julien sort la glacière du coffre, il sait exactement où aller, droit devant sur les marches d’un bâtiment. Sur un matelas, entre deux piliers, un homme se réveille et répond encore groggy au bonjour du maraudeur. « La santé, ça va ? Je vous sers un café ? » Demande Julien en pointant le thermos. « Oui, merci », répond Gérard, SDF depuis quatre ans. Les deux hommes discutent et le maraudeur demande à son interlocuteur s’il a besoin d’autre chose : pull, veste, couverture… Avant de le quitter, il lui remet un exemplaire du guide de l’urgence sociale.
Bien se connaître…
« Les équipes de maraude créent le lien. Petit à petit, on les voit mais ils nous voient eux aussi tous les jours. « Eh ! Je veux du café ». Julien est interrompu par un jeune homme qui se dirige droit sur lui, une bouteille d’alcool entamée à la main. Derrière, les personnes avec lesquelles il était le regardent faire. Le SDF ne s’encombre pas de politesses, il exige presque de l’agent qu’il lui fournisse des produits d’hygiène. Aujourd’hui il n’y en a pas. « En attendant si tu veux j’ai ça », propose Julien sans se démonter en lui tendant une bouteille de gel assainissant. Refus catégorique, l'homme s'échauffe et commence à suivre le maraudeur en sous-entendant qu'il lui ment, avant de finalement laisser tomber et partir. « Dans ces cas là, il faut toujours rester calme et ne pas chercher à argumenter trop longtemps. Lorsqu’ils décident de tourner toutes tes phrases contre toi, ce n’est pas la peine de continuer pour rien… »
Garder le contact
En haut de la Canebière, l'agent du Samu Social aperçoit Sarah*, une vieille dame qu'il a l'habitude de voir là, assise sur un carton. « Il y a la sortie de métro de mon côté, donc plus de monde, donc plus d’argent ». La vieille dame est rapidement rejointe par une amie, Cati et son petit chien, dit Lulu. Méfiante, la nouvelle venue répond au bonjour de Julien par un sourire un peu crispé et élude rapidement le sujet de la blessure qu’elle a au visage. L'une à côté de l'autre, les deux femmes discutent entre copines pendant que le maraudeur leur sert un café et des gâteaux. Julien n'est pas pressé, il sait qu'il faut du temps pour mettre en confiance. Sarah relance le débat. "Dites, est-ce que vous pourriez me ramener une polaire ? Vous savez, avec la capuche là..." Lance-t-elle en faisant mine de rabattre le capuchon sur sa tête. En entendant Julien accepter, du coup Cati se décide à demander elle aussi de quoi se couvrir. Le maraudeur sort de sa poche un téléphone portable, se met en contact avec d’autres équipes du Samu Social, pour faire passer le message et fixer un point de rendez-vous, où des agents remettront à Cati ce dont elle a besoin.
*Nom d'emprunt
Elisa Philippot