Soigner la précarité

Disposer du meilleur état de santé possible est un droit fondamental, selon l’OMS. Mais comment permettre aux plus démunis d’accéder, en temps opportun à des soins acceptables, abordables et de qualité ?
a nuit tombe sur la ville. La maraude du Samu Social de Marseille approche de la gare Saint Charles. Sur place, une femme sans abri, enceinte de huit mois. La prise en charge est immédiate et l’équipe fait appel au docteur Nicole Arrighi, par ailleurs médecin du travail au Samu Social. Elle est aujourd’hui prête à intervenir partout dans Marseille si les équipes des maraudes en ont besoin. Avec l’aide de deux infirmières, la jeune femme enceinte est emmenée à l’hôpital de la Conception où elle esquive la salle d’attente des urgences. Grâce au système de Permanence d’Accès aux Soins de Santé (PASS) réservé aux personnes en situation précaire, elle est directement prise en charge par l’établissement. La future mère y restera le temps nécessaire pour qu’elle et l’enfant à naître soient en parfaite santé, avant d’être aiguillés vers un centre d’hébergement où une réinsertion sociale sera envisagée.
Instaurer la confiance
Une intervention qui se déroule sans accroc grâce au travail en amont du Samu Social marseillais habituant les sans-abri au dialogue. “Ce sont des gens très marginalisés, mais qui ont besoin d’établir un lien social qui leur est propre”, indique Nicole Arrighi. “Une fois que la confiance est là, on peut aider et communiquer avec les personnes en situation précaire. Notre tâche devient plus aisée car tout le monde joue le jeu”, explique-t-elle. Les problèmes de santé touchent de façon disproportionnée les catégories sociales vulnérables et marginalisées. La prise en charge médicale est donc souvent indispensable. Monique Pezzolesi, infirmière à la retraite et bénévole pour l’association Les amis de l’hôpital Saint-Joseph détaille : “Quand les sans-abri sont conduits chez nous, ils sont ouverts aux soins et les relations se font extrêmement bien, parfois même mieux qu’avec les patients en situation non précaire.” Et René Giancarli, directeur du Samu Social de Marseille, d’ajouter : “S’ils ont foi en nous, ils auront foi en nos collaborateurs.”
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![]() Le PASS dentaire reçoit plus de 10 patients par jour |
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![]() Les médecins-dentiste prennent soin des sans-abri |
![]() La meilleure technologie est à la disposition des soignants du PASS |
![]() Les sans-abri acceptent les soins qui leurs sont proposés avec joie |
![]() Les médecins ont toutes les fournitures dont ils ont besoin pour soigner les plus précaires |
Photos Virginie Lecable
Créer des partenariats efficaces
Des hôpitaux de l’APHM aux centres de l’Armée du Salut en passant par Médecins Du Monde, le Samu Social dispose d’un réseau de partenaires santé distincts qui s’étend sur toute la ville. Françoise Noël, infirmière au centre d’hébergement de La Madrague Ville commente : “Nous faisons en majorité de l’orientation médicale. Il n’y a aucun caractère obligatoire, cependant les patients se laissent volontiers guider.” Une fois repéré et mis en confiance, un sans-abri souffrant de maux dentaires sera conduit au PASS Dentaire situé au centre d’odontologie du professeur Dejou, à la Timone.
Pour une situation plus sérieuse ou traumatique, les pompiers pourront assurer le transport. En cas de problème psychiatrique, c’est le PASS-PSY du centre hospitalier Edouard Toulouse, au nord de Marseille, qui est contacté. Enfin le PASS Rimbaud, coordonnée par le docteur Grassineau et créé en 2012 à l’hôpital de La Conception, prend en charge plus de 1 500 patients chaque année dans le cadre d’une médecine plus généraliste. Au Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale Forbin, un établissement de la Fondation Saint-Jean de Dieu, c’est l’infirmière Elfie Pequeux qui s’occupe d’orienter les nécessiteux selon leurs problèmes de santé. “Que nous envoyons les patients aux PASS-PSY, à Médecins Du Monde ou à l’APHM, il est primordial d’avoir un gros travail de suivi et de coordination”, explique-t-elle. Véritable ciment entre la rue et les établissements de santé, le Samu Social assure cette délicate organisation.
Santé et réinsertion
Arrivés dans les différents centres de soins, les sans-abri disposent d’une prise en charge sociale concomitante. Ils peuvent alors prendre connaissance de leurs droits, les faire valoir, et se faire rembourser les traitements ou les interventions. Une fois les séjours hospitaliers terminés, les sans-abri sont placés en centre d’hébergement et continuent d’être suivis à distance, tout en devenant de plus en plus autonomes. René Maccario, salarié du Samu Social depuis 8 ans amène fréquemment des sans-abri à leurs rendez-vous médicaux. “Je viens les chercher au centre d’hébergement le matin pour les aider à traverser la ville et se rendre à leurs consultations”, confie-t-il. “ça les aide à reprendre un rythme, à se soumettre à des contraintes horaires et à réassumer des responsabilités. Certains ont du mal, mais globalement, ça se passe bien.” Une fois la santé psychologique et somatique recouvrée, la réadaptation à la société se fait progressivement et avec plus de facilité. “On les voit retrouver leur indépendance petit à petit. Et puis un jour, ils ne viennent plus au centre d’hébergement. Alors on se dit qu’on a réussi,” conclut René Giancarli.
![]() L'infirmière reçoit les résidents du centre toute la journée |
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![]() Le personnel du CHRS veille à ce qu'il n'y ait aucun débordement |
![]() Les sans-abri peuvent profiter d'une agréable cour centrale |
![]() Elfie Pequeux, l'informière responsable du CHRS Forbin |
![]() Le centre offre des repas équilibrés |
![]() Une des chambre qui accueil les SDF |
![]() Le Frère Didier, gardien des lieux |
![]() L'environnement offert aux sans-abri leur permet de se ressourcer |
Photos Virginie Lecable
Renaud Levantidis